Journal La Croix
Analyse

La Congrégation pour le clergé a publié lundi 20 juillet une instruction sur « la conversion pastorale de la communauté paroissiale au service de la mission évangélisatrice de l’Église ». Un thème déjà à l’ordre du jour en France où, depuis quelques années, des réflexions et des initiatives sont à l’œuvre pour repenser le modèle paroissial.

La paroisse reste « une institution incontournable pour la rencontre et la relation vivante avec le Christ et les frères dans la foi ». Corinne SIMON/CIRIC

Telle qu’elle est habituellement envisagée, la paroisse ne répond plus aux besoins pastoraux en vue de la nouvelle évangélisation. C’est en somme le constat que dresse la Congrégation pour le clergé dans une instruction publiée lundi 20 juillet sur « la conversion pastorale de la communauté paroissiale au service de la mission évangélisatrice de l’Église ». « Moteur de l’évangélisation », la paroisse doit ainsi s’engager dans un « processus graduel de renouvellement des structures » afin d’être « le lieu qui donne le désir d’être ensemble et fait grandir les relations personnelles durables ».

Directrice de la formation et de la transformation pastorale au sein de l’association Alpha qui propose les parcours du même nom, Anne-France de Boissière souscrit parfaitement à ces propos. « Nous ne pouvons plus continuer comme avant, assure-t-elle avec conviction. Le modèle ancien ne fonctionne plus. Il y a un vrai risque de l’entre-soi, c’est tellement plus confortable mais cela ne répond pas à l’appel du Christ de faire des disciples ». « Nous devons redécouvrir que ce que nous demande le Christ, c’est de faire des disciples et que tout doit être orienté vers cet objectif », renchérit le père Stéphane Janssens, curé des paroisses de Beauvais (Oise).

Et pour cela, la paroisse est loin d’être une norme dépassée. Au contraire, puisqu’elle a pour « exigence pastorale précise » de « rendre l’Évangile proche du peuple, par l’annonce de la foi et la célébration des sacrements ». Ainsi, la paroisse reste « une institution incontournable pour la rencontre et la relation vivante avec le Christ et les frères dans la foi » et il convient donc qu’elle « ne soit pas emprisonnée dans l’immobilisme ou une répétition pastorale préoccupante ».

« Pas d’amour du prochain sans enracinement »

Sous peine de quoi, si elle est « privée de saveur évangélique et de mordant missionnaire », la paroisse « court le risque de devenir autoréférentielle et de se scléroser ». Dans cette optique de changement, Anne-France de Boissière accompagne près d’une centaine de paroisses, et pas seulement de sensibilité charismatique ou urbaine. Si elle ne donne pas d’indications concrètes, l’instruction approuvée par le pape François invite à « développer un authentique art de la proximité » afin de « rejoindre chacun sans exception », à commencer par les plus pauvres, « destinataires privilégiés de l’Évangile ».

Pour Mgr Jérôme Beau, archevêque du diocèse majoritairement rural de Bourges, « la grande force des paroisses, c’est la proximité », comme l’a illustré la période du confinement avec « ceux qui sont isolés ou ont des difficultés pour vivre ». « Il n’y a pas d’amour du prochain sans enracinement dans un territoire de taille raisonnable », souligne-t-il, en précisant qu’il a surtout mis l’accent sur la pérennisation de la présence de l’Église en milieu rural. D’autant que pour l’archevêque de Bourges, une paroisse missionnaire, c’est surtout « être au service du bien commun en s’engageant dans la société » et « pas nécessairement une parole d’annonce immédiate. »

« Devenir disciple et faire des disciples »

Ce « renouveau de la paroisse dans un sens missionnaire » demande un « engagement généreux » de tous, y compris des laïcs, qui doivent prendre une « responsabilité effective dans la vie pastorale de la paroisse ». Notamment à travers le conseil économique – obligatoire – et le conseil pastoral – facultatif mais vivement recommandé -, mais aussi par différents ministères.

Toutefois, s’il met en avant la « coresponsabilité », ce document « ne contient pas de nouveauté législative », comme le relève Mgr Andrea Ripa, sous-secrétaire de la Congrégation pour le clergé, dans une note explicative. Il est ainsi explicitement rappelé que « diriger, coordonner, modérer, gouverner la paroisse » revient exclusivement à un prêtre, de même que la prédication pendant la messe. À rebours de certaines demandes, formulées notamment lors du synode sur l’Amazonie.

Il ne s’agit donc pas de revoir le partage des responsabilités entre curé et laïcs, mais plutôt « de tout mettre en œuvre pour aller à la rencontre des plus lointains, leur annoncer la joie de l’Évangile » grâce à une adaptation des « structures paroissiales aux nécessités actuelles de l’évangélisation ». « Toutes nos activités, liturgies et programmes doivent permettre au plus grand nombre de devenir disciples de Jésus et de faire des disciples à leur tour », souligne le père Janssens. Charge désormais à l’ensemble évêques, prêtres et laïcs de trouver l’incarnation d’un concept de mission aux contours multiples, sans remettre en question le droit canon.

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La transformation pastorale selon François

Extrait de l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium publié par le pape le 24 novembre 2013

« Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus nous répète sans arrêt : “Donnez-leur vous-mêmes à manger”. » (49)

Arnaud Bevilacqua et Xavier Le Normand,

La Croix, le 20/07/2020 à 18:06

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